Ecran somnambule - Solo de Latifa Laâbissi

Mardi 14 juin à 20h au CCN - Ballet de Lorraine


Un bloc compact au milieu de l’espace nu. Un visage, impassible et grimaçant. Une sculpture immobile, mais qui semble pourtant bouger, s’étirer, se contracter, tendre sa matière jusqu’à la limite d’elle-même. S’agit-il d’une apparition ? D’une reproduction ? D’un cas de possession ? D’un rêve ou d’une projection ? En choisissant de danser, aujourd’hui, au ralenti, La Danse de la sorcière de Mary Wigman, Latifa Laâbissi nous place en face d’un mirage, déréglant le statut de cet objet « historique » et brouillant les pistes d’interprétation. Pièce majeure de l’expressionnisme allemand, La Danse de la sorcière a laissé derrière elle une trace incomplète, qui continue de hanter l’inconscient de la danse à la manière d’un mauvais rêve : un film de 1'40", datant de 1926, qui montre Mary Wigman au bord de la transe, les membres comme électrifiés, réagissant aux rythmes sourds des percussions. Cette esthétique du contraste, de la rupture abrupte, où le corps devient le traducteur d’états contradictoires, comment en restituer le potentiel perturbateur sans la momifier ? Ne reproduisant que ce que montrent les images du film, Latifa Laâbissi se glisse dans le corps de la sorcière, et plonge la scène dans un état hypnotique où chaque mouvement dévoile sa lente construction. Opération proprement cinématographique – le ralenti dévoile une autre écriture à la surface du même : elle introduit une distance vis-à-vis de l’original tout en redonnant son relief, son état d’extrême tension à cette figure inquiétante. Incarnation d’un film ou reproduction d’un corps ? À la fois matériau et archive, sorcière et spectre, présence et médium, cette silhouette discordante produit une série d’écarts – aussi bien perceptifs qu’historiques – amenant à repenser le rapport de la danse à sa reproduction, à son histoire, à ses zones de refoulement. Écran somnambule : une surface de projection où viennent se déposer formes et références, monstres intérieurs et fragments de réel – dans un va-et-vient constant entre passé et présent, désenvoûtement et réactivation.

Gilles Amalvi


Durée : 32 minutes


Hors d’œuvre

Le CCN - Ballet de Lorraine vous invite à découvrir le travail de plusieurs chorégraphes invités à créer avec la compagnie cette saison. Ces spectacles plus intimistes, donnés dans nos studios de la rue Bazin, vous permettront de découvrir leur univers. Comme un petit pas de côté, en guise de mise en bouche.

Tarif plein : 15€ / tarif réduit : 10€ (nombre de places limité - réservation conseillée)